À la suite d’une exposition qui lui est consacrée au casino de Knokke, Folon crée cette œuvre, installée dans la station de bord de mer en 1997. Aujourd’hui, elle se trouve au croisement de la digue et de l’avenue Parmentier. Posée sur un brise-lames, la silhouette est partiellement immergée à marée haute. Cette situation permet à l’œuvre d’être littéralement “sculptée” par la mer. L’eau, le vent et le sel modifient peu à peu sa surface, en accord avec la philosophie de Folon : l’art est vivant et son évolution, naturelle.
Jean-Michel Folon (1934-2005) est une figure majeure de l’art belge. Artiste aux multiples talents, il s’est illustré dans le dessin, la peinture, l’illustration et la sculpture. C’est au cours des années 1990 qu’il se lance résolument dans la sculpture. Caractérisées par leur frontalité et leur corporalité, ses créations se nourrissent des arts premiers, des habitants des Cyclades aux Étrusques, des masques africains aux totems indiens. Folon les présente en 1995, square du Petit Sablon à Bruxelles, puis au château de Seneffe l’année suivante. Largement centrées sur l’humain, elles incarnent des thèmes traités autrefois graphiquement et projettent ainsi l’univers de l’artiste dans des environnements nouveaux et paysagers.
Onirique et humaniste, l’univers de Folon se distingue par des personnages solitaires et des décors épurés, traduisant des thèmes universels comme la liberté, l’évasion ou la fragilité humaine. Enfant, l’artiste avait coutume de passer ses vacances à Knokke, station balnéaire à laquelle il est resté profondément attaché et où cette œuvre, l’une des plus emblématiques, a vu le jour.
Au fil des années, La Mer, ce grand sculpteur est confrontée à l’ensablement et à l’érosion. Ce phénomène a partiellement enfoui l’œuvre, réduisant sa visibilité et accélérant sa dégradation. Alertée, la Fondation Folon a collaboré avec la commune de Knokke-Heist pour la relocaliser sur un brise-lames plus élevé. Cette action a permis d’en préserver à la fois l’intégrité physique et l’esprit poétique souhaité par l’artiste.
L’œuvre, intitulée La Mer, ce grand sculpteur, représente un homme assis, vêtu d’un manteau et coiffé d’un chapeau, des traits récurrents dans l’univers de Folon. Ici, Folon s’est inspiré de l’œuvre de René Magritte. Le personnage chapeauté rappelle également l’inspecteur Maigret, héros des livres éponymes de Georges Simenon. Le nom de l’œuvre en bronze, mêlant réalisme et poésie, s’inspire d’un recueil d’essais de Marguerite Yourcenar, Le Temps, ce grand sculpteur, suggérant que la mer, par son mouvement incessant, façonne, elle aussi, les objets, les êtres et le temps. Tourné vers l’horizon, l’homme semble contempler l’immensité et le flux des marées. Il incarne ainsi la fragilité humaine confrontée à des forces qui le dépassent.